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 Smoke and voices [Erynn]

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Aline Brillant


Aline Brillant

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MessageSujet: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeMer 26 Avr - 1:16

[18 mars 2017 - Paris, XVIème, FRANCE puis Champ de Mars, Saint-Pétersbourg, RUSSIE]


Les jardins de l’avenue Foch, comme à leur habitude, ne sont qu’un désert de pelouse triste, peuplé de quelques vieillards. Bercé par le vacarme ronronnant des voitures, l’endroit, que les types de la commune se gaussaient d’appeler une charmante inclusion de verdure au milieu de la ville, n’avait rien d’un véritable parc. Au mieux de leur forme, les « jardins » avaient plus l’allure d’un interminable rectangle de pelouse terne et humide, planté d’arbres comme les banderilles dans le flanc d’un taureau, et éventré, en son milieu par le passage de la route.
Tous les Dusters et toutes les Bentley de Paris traversaient chaque jour sa carcasse, en vomissant leurs pollutions sonores et aériennes sur les pauvres diables qui croyaient encore bon de s’y promener. Principalement : des touristes intrépides, cherchant à gagner l’arc de triomphe, quelques vieillards aux jambes trop lestées d’eau et de vieillesse pour s’aventurer plus loin, des étudiants en transit et l’occasionnel clochard qu’aura mené là l’envie d’un décor champêtre à ses besoins pressants.

Si ça ne tenait qu’à moi, j’éviterai comme la peste de venir me confronter à la tristesse de cet endroit, et à la saveur diesel de ses courants d’air. Malheureusement, pour les petits étudiants friqués de l’Université Paris-Dauphine, c’est le couloir de transit idéal entre leurs salles de classe et le café hors de prix de la rue Troyon. Or, c’est justement ceux-là que je viens attendre, aujourd’hui, en tassant mon pauvre cul fatigué sur un des petits bancs de bois décorés de tags spirituels. A ma gauche, l’Arc de triomphe reste triomphant, au milieu de son bain de smog. A ma droite, une vieille affiche de campagne de Philipe Poutou me lance un regard désolé. Il a l’air aussi déprimé que moi, en ce bon après-midi de mars, et à peine plus défraichi.
En face de moi, en revanche, s’étire la devanture de l’Honest Lawyer, un pub lounge au décor boisé, duquel me parviennent quelques échos de cris et d’encouragements alcoolisés, chaque fois que le flot des voitures s’interrompt. On doit y jouer un match. Du foot ou du rugby, de quoi enflammer les cœurs de ses ivrognes. J’irai peut-être y boire un verre avant de rentrer, ne serait-ce que pour extorquer au patron l’origine de ce nom qui m’interpelle.

The Honest Lawyer…

Je n’ai guerre le temps de laisser fuir mes souvenirs en direction de Nathan, et de la dernière lettre que j’ai reçu de lui. Ma rêverie est étouffée dans l’œuf par l’arrivée bruyante d’un petit duo d’étudiants, comme deux petits coqs allant à la bassecour. Contents d’être enfin à l’air libre après une matinée d’étude, ils viennent agiter au soleil, et juste à côté de mon banc, leurs plumes de petit poulets fanfarons.

« Hey mamie ! »

Le plus grand est drapé dans un imper en daim de très mauvais goût, et semble dissimuler un petit regard perçant derrière des lunettes faussement vintage. Ses cheveux blonds sont brossés sur le côté, ce qui lui donne au choix dix ans de plus ou la tête d’un électeur de François Fillon. Son acolyte, lui, a fait l’impasse sur la veste au profit d’un épais pull en laine façon brocante et démangeaisons, qu’il porte sur une chemise de coton légèrement trop grande pour lui. Il serre, sous son bras, un porte document en cuir fin, et impeccable. Probablement un étudiant en économie. Le jour viendra où il troquera son vieux pull pour un costume et alors ce sera le signe qu’il a été intronisé par ses vampires de confrères.
Le premier... Je n’ai pas besoin de deviner ce qu’il fait, celui-là. Je le connais.

« M’appelle pas mamie, p’tit merdeux… »


Il cligne lentement de ses yeux de fouine, visiblement décontenancé par ma mauvaise humeur. Son pote lâche un rire comme une petite quinte de toux, ce qui lui vaut un coup de coude dans les côtes, mais je poursuis sans y prêter attention.

« A moins que tu ne veuille que je t’appelle par ton prénom, hm… ?
- Euh non, c’est…
- …Ange-Albert. »


La grande asperge vire écarlate, alors que le petit négligé abandonne aussitôt toute solidarité. Visiblement la créativité en matière de patronymes de Mme Barthélémy – la fille d’une ancienne amie de la mère d’Henri que je croise encore à la pâtisserie – n’a toujours pas trouvé son public. J’esquisse un petit sourire victorieux, et lui fait signe de s’approcher du banc.

« Je…
- Oui, mon petit ?
- J’m’excuse… Aline.
- Mmh. »
La capitulation est d’autant plus satisfaisante que je devine – j’en ai même la certitude – que nous sommes peu nombreux, et que nous serons de moins en moins, au fil des années, à pouvoir nous permettre de le faire plier de la sorte.
« Qu’est-ce que ce sera, aujourd’hui, monsieur Barthélémy ?
- Comme… comme d’habitude.
- Très bien…
- N-non vous savez quoi ? Mettez-moi le double. »


Je hausse un sourcil. Eh bien, c’est du sérieux. Quand je pense que d’ici cinq où six ans on le retrouvera en route pour un poste politique important quelque part, celui-là… Mais ce n’est ni ma place, ni mon boulot que de juger ce gamin sur sa consommation de stupéfiants. Déjà parce que vu la mienne, je n’avais pas de quoi jouer les mères moralisatrices, et ensuite parce que j’étais bien contente de les trouver, ces merdeux en quête d’encanaillement, quand les fins de mois avaient besoin d’être arrondies. Pas que je sois sur la paille, mais entre mon train de vie confortable et le fric que je claquais ici et là en parrainages et autres charités occasionnelles…

Peu importe. Je hoche la tête, soufflant un petit grognement d’approbation, tandis que la grande échalote vient s’asseoir sur le banc à côté de moi. Il me tend une enveloppe, après avoir farfouillé dans son sac pour y rajouter quelques billets, et dans laquelle je compte rapidement une petite centaine d’euros. Je lui tourne le dos une seconde, à peine, me penchant sur mon sac à main pour en tirer quatre ballotins de weed fraichement mise en sachet, mais lorsque je me redresse… un vertige immense me cintre le crâne.



[…]



L’odeur âcre de la fumée est la première que je retrouve, alors que mes sens se stabilisent, et elle me prend violemment à la gorge. Je tousse, à m’en sortir les côtes de la poitrine, titubant dans mes petites baskets roses. Mon épaule percute mollement la carcasse métallique de ce que j’identifie comme une grille de sécurité, alors que je m’y affale, de celles que l’on met un peu partout dans les concerts et les manifestations en extérieur. J’y agrippe mes vieilles mains, pour ne pas m’effondrer, et reste là un long moment, comme une tige de lierre desséchée emmêlée à l’écorce d’un chêne, pendant qu’autour de moi le brouhaha et le flou se précisent doucement.

Il y a une foule, autour de moi. Ou plutôt des petits morceaux d’une foule. Bousculés, éparpillés, se heurtant parfois les uns aux autres pour tenter d’éviter des projectiles pleuvant du ciel. Ces derniers sont difficiles à identifier, à travers le léger voile de fumée qui vient brûler mes yeux et ma gorge. Il y a des lacrymos, ça, c’est certain. Mais aussi… des œufs ? Et des pierres ?
Sur ma droite, un cri de femme me fait faire volteface, et serre ma poitrine tout autour de mon cœur. Une blonde, trentenaire, avec un T-shirt à motif d’arc en ciel, a l’arcade ouverte et saigne abondamment sur l’épaule d’une autre femme, qui la tient contre elle dans l’espoir de la protéger. Elles crient des choses, l’une et l’autre, mais je ne comprends pas les mots qui sortent de leurs bouches.
Je ne comprends aucun mot, d’aucun des cris, d’ailleurs. Tout autour de moi se tisse des flots d’appels lancinants, d’invectives enragées, et de litanies affolées, mais je ne peux distinguer de toutes ces paroles que la forme approximative. Et le ton.

Seigneur, le ton…

Les secondes passent, au ralenti, alors que je tente péniblement de comprendre dans quel contexte affreux j’ai été catapulté – car, oui, plus je parviens à distinguer d’éléments de décor, à travers les mailles de cette foule en ébullition, et moins je reconnais le misérable petit parc que j’ai laissé derrière moi. C’est immense, géométrique, et cerclé de bâtiments à l’architecture exotique. Des coupoles, par endroit, crèvent entre les arbres et lancent leurs flèches acérées vers le gris du ciel. Est-ce que je suis en Russie… ?

Un petit groupe de manifestants, emmêlés dans une banderole arc-en-ciel qui jette un peu de clarté sur la nature de l’évènement qui a ici dégénéré, vient heurter ma barrière, quelques mètres sur la gauche. Quelques-uns chancèlent, dont moi, alors qu’on ébranle ma seule source de soutien. L’un d’eux m’apostrophe, sans que je le comprenne, mais le bleu horrifié de son regard me captive. Je fais quelques pas vers lui, chancelants, avant de comprendre.  
A quelques centimètres de mes pieds – entre eux et moi – vient d’atterrir un petit cylindre noir et fumant. Sans réfléchir, oubliant mes rhumatismes, et retrouvant avec l’adrénaline quelques vieux réflexes des manifestations diverses qui ont peuplé seconde jeunesse, j’arrache le beanie orange fluo qui traîne sur ma tête. Puis, l’enroulant sommairement autour de ma main, et couvrant mon visage du bras opposé, je m’empresse de ramasser la cartouche de gaz lacrymo, et la jette aussi loin que ma douloureuse épaule le permet. Le projectile atterrit de l’autre côté de la barrière, dans un petit groupe aux tenues beaucoup plus classiques et sombres, et que je remarque alors pour la première fois.

En plus de la police, qui encerclait sommairement la manifestation, pour essayer de la contenir à l’intérieur du parc, quelques autres attroupements semblaient se masser sur les côtés. Des hommes, en grande majorité, imposants et visiblement remontés à blocs, et dont quelques entités, parfois, se détachent de leurs groupes pour venir se jeter sur l’un ou l’autre des protestataires. Ils frappent, et injurient, tout autant qu’ils le peuvent, sous les regards désintéressés de la police, qui ne viennent les séparer, après quelques minutes, que pour ensuite embarquer celui des deux qui portent les vêtements les plus colorés. Ma gorge s’est nouée solidement, et les mots me manquent, alors que je recule de quelques pas vers le centre de la cohue.

« Mais qu’est-ce qui est en train de se passer, merde »
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Erynn H. Howlett


Erynn H. Howlett

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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeLun 8 Mai - 9:42

De douces notes de musique classique tintent tout bas et marquent la fin de la sonate qui s'étirait depuis quelques minutes depuis les profondeurs d'une vieille chaîne hi-fi. Réprimant difficilement un énorme bâillement, Erynn finit par céder à la fatigue et s'en décroche presque la mâchoire, les yeux encore obstinément rivés sur le livre sur ses genoux. Bien calée dans son lit deux personnes, soit le havre de paix dont elle est d'ordinaire si souvent privée, la jeune femme est blottie dans la chaleur de sa couette, à demi assise contre ses oreillers. À ses pieds Tei l'observe de ses grands yeux dorés et curieux, avant de se lever et se frotter à ses jambes à la recherche d'un peu d'attention. Posant une main sur sa tête caramel, elle grattouille derrière ses oreilles et lui tapote le dos en guise de taquinerie. En réponse le félin proteste sans conviction et s'étire pour prolonger la caresse avant de se rouler en boule un peu plus haut et occuper l'autre moitié du lit, comme à son habitude.

« Oui, je sais que c'est bientôt l'heure... pas la peine de me bouder, tu tiens pas plus de cinq minutes. »

Jetant un regard en biais à l'un de ses deux co-locataires par-dessus ses lunettes rondes, Erynn retient un sourire en voyant la moue ronchonne de Tei. Néanmoins après quelques minutes elle agite un peu la tête, réalisant qu'elle vient de lire trois fois la même phrase sans en intégrer une seule virgule. Posant l'épais tome sur la fibromyalgie sur sa table de chevet, elle jette finalement l'éponge. Pendant cinq bonnes minutes elle reste là à regarder le vide, immergée dans ses réflexions confuses où la solitude est à la fois une délivrance et un châtiment. Un peu sonnée par les pensées qui s'entrechoquent dans son esprit, elle rêvasse.
Les fenêtres de la chambre sont recouvertes d'épais rideaux en teintes bleues qui lui permettent de dormir à toute heure du jour et de la nuit, selon les caprices des roulements horaires à l'hôpital. D'ailleurs elle est bien incapable de savoir quel jour il est et encore moins quelle heure il est sans regarder sur son téléphone... ce qui explique sans doute qu'elle se trouve dans un tel état d'épuisement. Soupirant profondément, Erynn sent un vide intersidéral commencer à s'installer dans son cerveau, autrement en ébullition.

Se redressant sur son lit elle glisse ses pieds nus dans ses pantoufles aux couleurs de l'Étrange Noël de Mr Jack et se dirige vers la cuisine pour se désaltérer avant de regagner les bras de Morphée... pour un temps indéterminé. De toute façon le Dr Han ne lui laisserait pas reprendre du service avant un moment, alors autant en profiter pour se remettre sur pieds. Frissonnant à cause de la différence de température, elle se frotte les bras et tâtonne à la recherche de l'interrupteur... dont la lumière brusque lui flingue les rétines au passage. Fermant précipitamment les yeux, Erynn fouine dans son frigo à la recherche d'une boisson et se donne pour satisfaite quand sa main se referme sur une brique de lait. Sans se donner la peine d'utiliser un verre elle la porte telle quelle à ses lèvres -ah les rares avantages du célibat !- et apaise ainsi sa gorge sèche.

Enfin... dormant déjà à moitié, la rouquine traverse le couloir et entre dans la petite salle de bains, où elle saisit maladroitement sa brosse à dents et le tube de dentifrice. Glissant un regard dans le miroir de l'armoire à pharmacie elle inspecte les traces laissées par ses profondes œillères type panda, puis grimace à ce reflet peu enjôleur... voire tue l'amour. Erynn s'attache les cheveux en un chignon sur le haut du crâne puis entame son brossage de dents rituel, les yeux si peu ouverts qu'ils ne sont plus que deux maigres fentes.

Elle est en train de se rincer la bouche lorsque tout commence à dérailler. À peine recrache-t-elle dans le lavabo que derrière ses paupières mi-closes les lumières s'affolent soudain en un battement, un clignement bizarre qui lui fait l'effet d'une douche froide. C'est d'ailleurs cette première sensation -un froid mordant- qui la prend au cœur et se fait accompagner d'un vertige tellement horrible qu'elle s'en retrouve incapable de réagir. L'instinct et la peur la prennent aux tripes et la jeune femme est paralysée, statufiée sur place. Un grand malaise remonte du fin fond de son ventre dans une nausée infecte et fulgurante aussi elle essaye de garder l'équilibre en s'appuyant sur le meuble non loin, seulement autour d'elle les murs rassurants de son appartement ont disparu... cédant leur place à... quelque chose d'entièrement différent.

***

Cet endroit lui était entièrement inconnu. Il y faisait très froid, c'était un espace ouvert, noir de monde et surtout... surtout, le bruit. Ce dernier lui fait instantanément froncer les sourcils et lui donne envie de se couvrir les oreilles pour ne pas perdre la boule. Soudainement alerte et aux aguets, Erynn se fait l'impression d'avoir été propulsée tête la première dans un très mauvais rêve, un rêve qui la fait se sentir drôlement consciente. Perdue et au bord de la crise de panique elle est incapable de se tirer de l'hébétude qui la plante là comme un piquet, un lapin hagard pris dans les phares d'une voiture... en réalité au milieu d'un large de groupe de personnes qui se serrent, se soutiennent et vocifèrent dans un langage totalement inconnu. Quoi que ça puisse être, ils n'étaient pas contents, c'est certain.

« Aigoo... »

Elle n'a même pas l'inventivité de prononcer le moindre juron et s'en tient ainsi à une onomatopée de sa langue maternelle. Son cerveau en veille il y a quelques instants à peine est désormais électrifié par l'urgence et le besoin de survivre en un milieu qui semble hostile.
D'autre part, sans doute parce que ses expériences avec l'effet Davis sont encore fraîches de quelques semaines à peine, l'implication réelle de ce changement de décor la heurte en pleine figure, un train lancé à pleine vitesse. Il n'y avait de toute façon pas d'autre conclusion à sa portée, à supposer qu'on soit prêts à accepter la dite théorie comme recevable. Quoique... à ce stade de chaos même le complot d'enlèvement extraterrestre à grande échelle lui parait aussi plausible, c'est à dire... bref.
Déglutissant avec peine, Erynn se fait toute petite dans son maxi t-shirt gris et croise les doigts sur sa poitrine, à la fois par inconfort et par pudeur. Remerciant le ciel d'avoir au moins un short en dessous, elle se tourne et se retourne dans l'espoir de comprendre ce qu'elle fout là, ainsi que ce qui peut bien causer une telle agitation. Timidement, elle tente sa chance en anglais auprès d'un groupe de trois jeunes aux joues peinturlurées de couleur.

« Excuse me. I'm sorry to ask this but where are w... ? »

Ils la regardent visiblement intrigués seulement une des demoiselles l'interrompt d'un cri épouvanté et tout le monde se baisse en se recouvrant la tête des bras. Par réflexe Erynn fait la même chose avant même de se poser des questions, et c'est avec stupeur qu'elle entend quelque chose s'écraser lourdement à ses pieds. Une bouteille vide maintenant fracassée... rien que ça. Reculant de plusieurs pas, elle ne remarque pas tout de suite de légères coupures sur ses jambes nues et choisit de se rapprocher du groupe dans l'espoir qu'ils éclairent sa lanterne. Néanmoins ces derniers cherchent à voir par-dessus les épaules de leurs voisins afin d'identifier la source de l'agression.
Or la violence s'intensifie à vue d’œil et d'autres projectiles se mettent à pleuvoir. Les cris au loin présagent du pire encore à venir et il ne lui faut pas très longtemps avant de comprendre que deux partis s'affrontent de plus en plus brutalement, quoique la raison de cet affrontement demeure encore obscure.

« What the actual fuck is going on here... ? »

Elle s'exclame davantage pour elle-même que pour qui que ce soit d'autre, regrettant que cette émeute ne permette pas vraiment de demander des explications. Baissant le regard Erynn fixe ses chaussons et la brosse à dents qu'elle a encore à la main avec un air dépité, se rendant vite compte du pathétique de la situation de laquelle elle ne peut pas aisément se tirer.  Tout autour d'elle des gens se tassent en petits groupes aussi il lui est impossible de se mettre aisément à l'abri. Les jeunes marmonnent entre eux dans un charabia inintelligible, et le seul indice récolté sur l'endroit où elle se trouve ce sont les caractères cyrilliques sur les t-shirts et les banderoles. Se frottant désespérément le visage et redressant les lunettes sur son nez, Erynn transpire la nervosité.
Marchant à reculons, les yeux toujours brûlants de fumée et de frustration contenue, la neurologue est animée d'un vif désir : courir loin et tout laisser derrière elle, après tout elle n'a rien à faire avec ce qui se passe dans cette place. Toutefois son attention est de plus en plus attirée par diverses invectives pleines d'angoisse, des appels à l'aide que même la barrière de la langue ne peuvent effacer. Naturellement et finalement parce que c'est au moins un domaine familier, Erynn s'écarte et accourt vers les cris afin de porter assistance à ce qui se trouve être une jeune femme blessée.

Remarquant qu'il s'agit d'une blessure superficielle en dépit du sang perdu, la rouquine s'approche d'un sourire un peu tendu et s'exprime en anglais, espérant de tout cœur que ces gens pourraient au moins comprendre qu'elle voulait les aider. Choisissant des mots basiques, elle se rassure en se disant qu'au moins son pyjama ne la ferait pas passer pour quelqu'un leur voulant du mal. La fumée rend sa respiration difficile et lui donne une quinte de toux qu'elle étouffe dans sa main. Enfin elle se résout un peu à regret à laisser tomber sa brosse à dents sur les pavés, afin de se concentrer sur la blessée.

« I am a doctor. Let me help you, yes ? »

Les deux jeunes femmes se regardent un peu interloquées puis acquiescent vigoureusement au mot 'doctor' ; la laissant faire son office sans grosses réserves. Posant gentiment ses mains sur le visage tuméfié de la jolie blonde qui lui fait face, Erynn examine la plaie ouverte puis la presse de sa main, faute de mieux. Murmurant quelques mots de réconfort afin de pacifier la jeune femme qui a depuis fondu en larmes -sans doute plus par émotion que par douleur- elle indique à sa compagne la marche à suivre afin d'arrêter l'hémorragie.

« Keep your hand over it, press it firmly. Yes, like that... It will eventually stop. We should find a way to get outta here before we get seriously injured. What is happening here, can someone tell me ? »
« Eh... fight for our... rights. »

La blonde peine à trouver ses mots aussi elle complète la réponse en indiquant l'arc-en-ciel sur son t-shirt, ce qui au moins est plus parlant que ce que pourrait décrire son anglais très approximatif. Erynn réagit simplement par un léger 'Oh', alors que les pièces du puzzle commencent à doucement trouver leur place. Si en cette belle journée elle avait été parachutée dans un pays soviétique, il est tout à coup moins  étonnant qu'une manifestation comme celle-ci mette le feu aux poudres. Les pays conservateurs et leur recours à l'oppression pour contenir les mouvements même pacifistes étaient tristement célèbres...

Se relevant en laissant le couple se débrouiller, Erynn se redresse avec les mains pleines de sang, une fois de plus. La fatigue est toujours douloureusement inscrite dans chacun de ses muscles. Elle soupire, se demandant toujours ce qu'il lui faudrait faire pour se tirer de là. Faisant quelques pas sans faire attention, son épaule est percutée par une dame âgée prise dans une bousculade et dont elle  retient la chute in extremis. Son sourcil se hausse en réalisant à quel point ce combat implique des gens de tous âges et toutes ethnies, mais elle la retient du mieux qu'elle peut avec son gabarit poids plume.
Remarquant le style exubérant et flashy de la dame, Erynn se pose en bouclier envers les objets qui volent de plus en plus dans tous les sens. Saisissant une pancarte colorée qui traîne à terre, elle finit par s'en armer afin de les protéger et parfois l'agiter afin de repousser la fumée, quitte à passer pour une énième manifestante.

« You shouldn't stay here, m'lady. It's too dangerous. » Elle sinquiète sincèrement pour son aînée mais lève les yeux au ciel, exaspérée de ne probablement même pas être comprise. « What am I even sayin'. No one speaks English here, it seems... »
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Aline Brillant


Aline Brillant

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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeLun 29 Mai - 23:16

Mes yeux me brûlent, chargés d’eau et de poussières, et le contrecoup de ma fanfaronnade avec la cartouche de lacrymo commence à se faire sentir. Mon épaule me lance, d’une douleur électrique et palpitante, qui lézarde jusque dans mon dos et entre mes côtes pour se rétracter aussitôt. Elle suit les battements de mon cœur, qui s’affolent, alors que j’erre en trébuchant dans ce tumulte, comme un oiseau qui viendrait de se cogner dans une vitre. Comme lui, j’ai la soudaine et terrifiante impression de ne plus connaître le monde autour de moi aussi bien que je le croyais, avant que l’univers ne me remette à ma place d’un grand coup de vitre dans la pomme.

Bien sûr, il y a une partie de moi, quelque part, planquée au fond de ma tête, qui sait exactement ce qui vient de m’arriver. Qui se souvient de Nathan, de Thomas, de leur hébétement et de leur détresse. Qui se remémore des bribes de Tokyo et de l’appartement de Miss Culotte de travers. Cette Aline-là a gardé suffisamment de sang-froid et de lucidité pour connecter les points comme il le faut. Pour analyser et comprendre ce qui lui arrive.
Cette Aline-là est aussi très loin. Trop loin. Beaucoup trop. Les rouages de ses raisonnements ronronnent tranquillement dans un coin de mon cerveau qui pour le moment m’est parfaitement inaccessible, et sa voix pourtant pleine de raison ne m’atteint pas à travers les cris et le brouhaha.

Pourtant je ne suis pas une étrangère aux manifestations de toutes sortes. Ma tardive jeunesse s’est vue rythmée par un nombre certain d’évènements de ce genre, des occupations de places aux mobilisations de plus grandes ampleur. J’ai crié, chanté, réclamé, et secoué dans les airs toutes sortes de pancartes pour défendre toutes sortes de causes. J’ai connu quelques débordements policiers, aussi, bien sûr,
Peut-être que… oserais-je le dire ? Ces choses-là ne sont plus tout à fait de mon âge. Ou peut-être que ces dernières années m’ont ramollies, dans le confort de mon militantisme parisien, où on ne lance plus de pierres à la tête des gens pendant les Gay Pride. Est-ce qu’on peut oublier le visage de la violence, si on n’y est plus autant confronté ? Ou est-ce que c’est simplement la confusion causée par ma soudaine ‘téléportation’ qui vient nourrir mes angoisses reptiliennes, et me maintient dans cet état presque régressif de panique ahurie.

Je recule de quelques pas, lâchant pour de bon le confort de ma barrière, et cherchant instinctivement une direction dans laquelle courir pour m’éloigner de tout ça, à défaut d’estimer avoir la moindre chance de m’en tirer si je décidais de me battre avec l’un des hommes en uniforme dispersés dans la foule alentour. Mon environnement me parait flou, et assourdissant, et le sol manque de se dérober sous mes pieds à chaque fois que j’amorce un pas en arrière. Quand je finis par mettre le pied sur un obstacle – un débris de pierre quelconque que je ne prends pas le temps d’identifier - mon pauvre cœur rate un battement, et ce qu’il reste de mon équilibre me précipite en arrière. Pendant quelques secondes, une absurdement stupide et cynique partie de moi se demande si c’est là que je vais finir ma carrière de mamie casse-cou ; au milieu d’une Pride avortée à coup de pierres, dans je ne sais quel pays de l’Est aux politiques rétrogrades.
Mais avant que j’aie eu le temps de m’apitoyer sur ma propre infortune, je suis rattrapée. Cueillie en plein vol par des mains secourables, qui me redressent du mieux qu’elles le peuvent. Emmêlée dans mes propres membres, je me débat quelques secondes, pour me retourner et m’accrocher à mon sauveur. Ma sauveuse, en fait. Maintenant que je lève un peu mieux mon regard vers elle, je réalise deux choses.

La première, c’est que mon ange gardien du jour revêt les traits d’une jeune femme rousse, aux traits délicatement métissés, perdus quelque part entre l’orient et l’occident. Son regard se pose sur moi, lourd d’inquiétude et d’affolement, et dans la forêt dense de ses pupilles je peux apercevoir le reflet d’une confusion presque égale à la mienne. Il doit probablement y avoir un lien avec la drôle de tenue qu’elle arbore, et la ressemblance de cette dernière avec quelque chose que l’on porterait plus volontiers dans son lit qu’en pleine rue, mais mon cerveau n’est pas encore tout à fait assez remis de ses émotions pour le deviner.
De son côté, elle entrouvre ses lèvres pour parler, et alors que je m’apprête à lui révéler que ce n’est pas la peine, je réalise, un peu stupéfaite, que je comprends à moitié ce qui en sort.

« Dangerous ?! » Je cligne lentement des yeux, prenant quelques secondes pour traduire au mieux ce qu’elle vient de m’annoncer. De me conseiller, en fait. Puis mon cerveau se lance à l’assaut sans moi, réagissant à l’absurdité du propos. « Well… No shit ! »

Mon accent est, comme à son habitude, résolument immanquable, ma voix enrouée et mon exécution trébuchante, mais je crois lire dans ses yeux que l’essentiel de mon indignation est passé. Ce n'est pas exactement de sa faute, si je suis coincé là, et je comprends bien qu'elle est dans l'exacte même situation, comme chacune des personnes présentes sur cette fichue place, mais tout de même. Qu'on s'inquiète de mon sort à moi, dans ces circonstances précises, comme si j'étais la seule à être mis en danger par le chaos environnant, me paraît si cruellement insensé que mon cœur en fait trembler ma voix de vieille dame.

« NOBODY should… be here ! »

La seconde chose qui attire mon attention, à présent que la stupéfaction s’estompe, c’est la couleur des mains de la jeune femme. Ou plutôt la couleur que leur donne le sang dont elles sont largement barbouillées. En baissant les yeux, je peux apercevoir qu’elle en a laissé deux belles traces sur mon manteau, mais à la réflexion je ne devrais probablement pas m’arrêter à ce genre de détails pour le moment. Tandis qu’elle intercepte quelques pierres d’un coup de pancarte particulièrement bien aligné – les tendons de mon épaule frémissent rien qu’à l’idée de devoir exécuter un mouvement pareil – je m’exclame d’une voix un peu plus assurée ;

« Oh bon sang de merde ! Vous avez les mains pleines de sang, vous… Merde. » Je me reprends aussitôt, fronçant les sourcils, réalisant que dans la panique j’ai parlé en français. Je sens que cette expérience va constituer un sacré défi pour mes compétences linguistiques, mais je n’ai pas d’autres choix pour le moment que de faire chauffer ma soupière pour en extirper aussi vite que je le peux les mots dont j’ai besoin. L’adrénaline semble aider à sa manière. « A-are you… hurt somewhere ? »

C’est à présent mon tour de venir accrocher mes mains sur elle, pour essayer de jeter un œil sur ses bras nus, mais je ne parviens à y trouver aucune blessure. Le cœur battant, je continue mon inspection pendant quelques secondes encore, avant de me rendre à l’évidence : ce n’est pas son sang. Elle ne tarde d’ailleurs pas à clarifier la situation, et mes épaules s’affaissent, temporairement libérée de leur tension par un fugace soulagement. Je hoche mollement la tête, marmonnant un « Good, good… » perdu quelque part entre la prière, le mantra et le remerciement à je ne sais quelle puissance céleste.

« We… we have to… go. Come. »

Mes yeux s’élancent à travers la place, effectuant une rapide reconnaissance des lieux, tandis que je cogite un rapide plan d’action, cherchant à déterminer le chemin qui offrirait le moins d’obstacle à notre fuite. Car il ne s’agit plus seulement de moi, maintenant. De drôles d’instincts protecteurs se sont réveillés en moi à la vue du sang sur ses doigts, et m’ont tiré assez loin de ma torpeur pour que je me décide à agir. Je ne pouvais pas aider une foule entière, mais cette fille-là, ici, maintenant, je pouvais probablement faire quelque chose pour elle.

Enfin, à bien y réfléchir, et je le réalise alors que mes pas tentent de m’emporter en direction d’une ouverture, sur la gauche, avant de se mettre aussitôt à trembloter, peut-être bien que l’aide sera plus mutuelle que je l’avais initialement envisagé. Je pince les lèvres, tendant un bras résigné pour qu’elle vienne y accrocher le sien, puis je lui montre l’emplacement derrière les véhicules de police où je crois déceler un passage, à travers les lourdes chapes de fumée.

« Help me walk.  Hm… there, we can… »

Notre avancée est preste, mais pénible. Physiquement, parce que mon âge semble avoir décidé que c’était un moment idéal pour me rappeler son chiffrage avancé, mais surtout mentalement. Il y a des cris qui me brisent le cœur, tout autour de moi, et bien que je ne comprenne pas un mot du langage qui les compose, la détresse nue et honnête qui les accompagne est suffisante pour gonfler ma poitrine d’un feu de panique et d’indignation rougeoyantes. C’est une épreuve terrible, de ne pas me lever pour sauter au secours de chacun d’eux. De devoir me rappeler que je ne suis qu’une mamie paumée, à des kilomètres de tous mes repères, ou de mes moyens d’actions, et que je n’ai sur moi qu’un pauvre sac à main, un petit sachet ce weed, et…

Mon cœur s’arrête, alors qu’une idée vient se ficher dans mon esprit comme une fléchette en plein dans le cœur de sa cible. Je ralentis ma marche, aussi, trébuchant sur un pavé un peu plus épais que les autres, et m’efforce d’arrêter à son tour la jeune femme dont le pas rythmait notre fuite. Quelques gouttes de sueur glaciales se glissent dans les plis de ma nuque.

« Attend. Wait ! »

La gymnastique de l’anglais est particulièrement pénible, par-dessus tout le reste de ma réflexion, et j’ai l’impression que de la vapeur va bientôt me sortir par les oreilles. Mes yeux happent les environs, sautant d’une scène de chaos à une autre, pour y chercher une occasion de mettre en œuvre l’idée qui vient de me traverser. Ils cherchent, et se perdent, pendant quelques secondes interminables, avant de se poser, victorieux, sur un couple de jeunes manifestants auxquels deux policiers sont en train de passer les menottes. Je les désigne d’un doigt noueux et tremblant.

« Help me… help me go over there. I can… » J’attrape mon sac pour le secouer, luttant avec mes propres reflexes linguistiques pour trouver les bons mots et m’expliquer. « I’m… old. I have money. Maybe I can… help… »

Je fronce les sourcils, courant à travers un mot précis, qui semble me narguer, tout au bord de mon esprit. Le salaud ! A côté de moi, la pauvre jeune demoiselle doit commencer à se demander si je ne suis pas une vieille chouette complètement sénile.

« Bribe ! I can bribe them. Come !»

Et sans une once d’explications supplémentaires, je m’élance à nouveau sur le pavé, revigorée, cette fois, par la perspective de pouvoir faire une différence au milieu de ce tumulte et de ce désespoir. Celle qui me soutenait me suit à présent avec des airs de mamans qui s’inquiète de voir son nouveau nez tomber nez en avant sur le carrelage de la terrasse, et bien que mon bras soit encore techniquement accroché au sien, je ne m’y appuie presque plus. Devant nous, deux policiers en tenues militaires classiques, l’un nu tête, l’autre décoré d’un képi surdimensionné, ont chacun saisi l’un des jeunes interpellés et entrepris de les conduire vers un des fourgons, un peu plus loin sur la rue. Entre leurs mains gantées, un petit être androgyne, aux cheveux d’un bleu éclatant, et une grande blonde aux traits encore presque adolescents, se débattent mollement, sans remarquer notre approche.



« Sirs ! Please, wait, sirs… Hello ! »

Le plus grand, le visage ombragé par l’immensité de son képi, fait volte-face, tordant au passage le bras de “cheveux bleus” dans son mouvement. Ce dernier ne peut retenir un couinement affolé, qui serre violemment mon cœur tout au fond de ma poitrine. Aussitôt, je lève mes mains en évidence, et revêt sans grande peine mon air de vieille dame le plus conciliant et inoffensive. L’amabilité que j’espérais afficher a été un peu reléguée au placard, mes traits trop tirés par une panique désespérément contenue ne me permettant pas de piocher dans ce côté-ci de mon arsenal. Je tente malgré tout un sourire, crispé et si fin que mes lèvres semblent avoir disparues, attendant que le verdict tombe.

Il marmonne quelque chose en russe à son collègue, qui semble soupirer par-dessous son impressionnante moustache blonde, avant de faire quelques pas vers moi. La gamine à qui il a passé les menottes, plus combative que son ami, proteste d’un coup d’épaule peu fructueux, avant de se prendre un coup de pompe dans l’arrière de la jambe. Je frémis, de tout mon long, mais, heureusement pour le bien de tous, ici, je tiens bon. Moustache blonde m’apostrophe alors, dans un anglais à couper au couteau.

« Don’t stay here lady. »

« Look I… I have money, if you… if you let… my friends go, I can give to you. »

Lentement, très lentement, et aussi calmement que me le permettent mes mains tremblantes, je plonge mes doigts dans mon petit sac à main de ville, pour en sortir la liasse de billets du fils Barthélémy. Heureusement pour moi, je suis une petite mamie, et pas un grand type menaçant – ou un adolescent à la peau trop foncée pour être considéré comme inoffensif – et si les agents se tendent légèrement, alors que je m’exécute, aucun d’eux ne semble réagir agressivement à mon geste. En revanche, lorsqu’ils réalisent l’un et l’autre que ce que j’extirpe de mon sac a bien plus une allure de pot de vin que d’arme improvisée, une légère lueur d’intérêt semble s’allumer dans le visage du grand au képi. Je lève l’argent dans sa direction, pour qu’il estime rapidement la valeur de ce que je tiens dans ma vieille main, puis je m’empresse de doubler mon offre d’un petit regard suppliant.

« Please… »

Dans les yeux des deux pauvres jeunes menottés, c’est tout un festival d’espoir, de confusion et de gratitude qui vient défiler en une déchirante parade.
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Erynn H. Howlett


Erynn H. Howlett

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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeSam 15 Juil - 14:30

La surprise lui fait hausser un sourcil à la réponse d'Aline. C'est que mamie manquait d'équilibre et il semblait que ses jambes étaient constamment à deux doigts de céder sous elle, mais la répartie ne lui faisait pas défaut. Un peu choquée par ce style familier, Erynn ne sait pas trop quoi répondre. Son éducation avait toujours été conservatrice et quoiqu'elle se soit aisément affranchie du balai entre les fesses pour le reste, le respect des aînés est l'une des rares valeurs demeurant fortement ancrée dans sa personnalité. De plus cette dame avait cette rugosité joviale qui lui rappelait sa grand-mère... et à en juger ce premier contact elles devaient aussi avoir en commun un fort tempérament.

Trop stupéfaite pour se laisser vexer d'être renvoyée dans ses cordes suite à cette affirmation digne de Captain Obvious, Erynn se raccroche à ce qui lui reste soit bah... l'urgence de se barrer. Néanmoins elle comprend sans trop de mal ce qu'on lui répond et accent à couper à la baguette ou non, c'est un soulagement que de pouvoir communiquer, au moins sommairement.
Perdue, Erynn regarde autour d'elle à la recherche d'une échappatoire, sans grand succès. Une foule de gens se tasse à perte de vue de presque tous les côtés, et le seul indice de l'endroit à éviter lui vient de la direction où ils regardent tous. Puisqu'il s'agissait d'une manifestation -sur le point de dégénérer si ce n'était pas déjà le cas- il leur faudrait soigneusement éviter les gens en uniforme. D'autant plus qu'ayant été catapultée quelque part en pyjama avec seulement son téléphone dans sa poche, aucun document d'identité, et maintenant du sang plein les mains, on risquait fortement de la faire passer par la case prison avant même qu'elle puisse dire ouf.

D'ailleurs ses mains frénétiquement serrées autour de la pancarte la gênent, plus de peur de ne pouvoir se défendre correctement que par dégoût ou peur de se faire prendre. Se baissant pour  nettoyer le sang à l'ancienne elle les frotte contre l'herbe fraîche à ses pieds, un carré vert quelque part entre deux cannettes de soda et une banderole arc-en-ciel. Sentant son cœur battre la chamade suite à l'exclamation paniquée d'Aline elle lève le regard, se sentant étrangement coupable. Secouant la tête elle lui répond simplement, se disant que les explications détaillées peuvent toujours attendre. Étudiant ses mains et son corps elle grimace un peu aux picotements des coupures sur ses tibias, et dodeline du chef en voyant ses chaussons. Si elles devaient courir pour se mettre à l'abri ça allait être un marathon sacrément folklorique.

« No, it's someone else's blood. I'm fine. »

Elle essaie de rassurer la vieille dame comme elle peut et ne pas trop penser aux petites entailles sur ses jambes. Ce n'était pas vraiment douloureux à proprement parler et ce n'était pas quelque chose de sérieusement handicapant non plus. Elle s'en tirait très bien... pour l'instant. Néanmoins ça risquait de vite changer si elles ne trouvaient pas un moyen de se mettre à l'abri avant que la Gay Pride ne tourne au vinaigre.
Se haussant sur la pointe des pieds pour tenter d'y voir quelque chose, Erynn n'a pas le courage de faire son chemin seule et laisser la mamie toute seule. Aussi elle murmure un 'Yes' résigné au besoin de prendre le large et s'approche sans se poser de questions quand on lui demande son aide. D'instinct elle tend son bras pour soutenir efficacement par le coude recouvert de fourrure, comme elle l'avait fait tant de fois à l'hôpital.

« Are you gonna be okay ? »

Soucieuse de l'effort et de l'expression tendue, presque souffrante de sa compagne d'infortune, Erynn s'arrête un moment pour s'assurer qu'elles s'échappent loin de la pluie de projectiles qui semble atteindre un nouveau paroxysme d'intensité. Heureusement elles s'écartent du cœur du conflit, ce qui leur permet au moins de souffler un peu. Sa pancarte toujours serrée dans sa main libre au cas où, elle évite les gens sur le passage et fait barrière de son corps à plusieurs reprises quand des gens plus distraits manquent de les percuter. Elles progressent comme elles peuvent en direction du couloir vide derrière les voitures de police, néanmoins la mamie s'arrête soudainement sans prévenir,  ce qui fait trébucher Erynn. Se rattrapant de justesse, la rouquine la dévisage d'un air inquisiteur.

« What's wrong ? »

Perturbée, elle n'a trop de choix que d'attendre le temps qu'Aline se reprenne et qu'elle lui dise enfin ce qu'elle voulait faire. Cependant cela n'éclaira pas beaucoup plus sa lanterne. En fait l'idée était insensée et carrément dangereuse. Faire preuve d'altruisme c'était évidemment très bien... mais risquer la taule pour des inconnus c'était pas vraiment son passe temps favori.

« This is not a good idea. I wanna help them too but... » Elle déglutit avec peine, cherche la limite de ce qu'il est bon de dire ou non sans trop en révéler. « I have no passport on me.  If they ever ask for it, I'm in big trouble. »

Tout à coup Erynn s'immobilise face à la française, tentant de silencieusement la dissuader d'aller se jeter dans la gueule du loup. Parce qu'il ne fallait pas se leurrer : étant donnée la récurrente utilisation de violence de la part des forces de l'ordre, leurs chances de s'en tirer à l'amiable sans conséquences lui paraissaient beaucoup trop minces. Pas dans un pays de l'Est et certainement pas en Russie. Si les médias disaient la vérité sur au moins la moitié de leurs reportages en la matière... il y avait de quoi vraiment flipper.
Pendant qu'Aline fouille avec frénésie dans son sac Erynn respire profondément plusieurs fois, prise entre culpabilité et égoïsme, entre terreur et compassion. Elle avait honteusement envie de rentrer chez elle, de partir sans se retourner et sans s'impliquer davantage émotionnellement. Mettre mamie à l'abri et porter secours à des inconnues ça atteignait le quota de bonnes actions pour la semaine, non ? Se mordant la lèvre de frustration elle reste là sans rien dire, tentant de se convaincre... ou de se donner bonne conscience. Réalisant assez vite la détermination dans le regard fatigué de son aînée, elle soupire et s'avoue finalement vaincue... d'autant plus que son sang ne fait qu'un tour à la vue de deux ados qui se font malmener par deux policiers. Tout bas elle murmure à Aline.

« Please be careful. I doubt they'll harm a older person, but please don't do anything crazy. »

Sans la moindre idée de comment elle pourrait aider aux négociations, Erynn reste silencieuse et espère se faire passer pour une autre ado. Avec un peu de chance ils la croiraient mineure -ce ne serait pas la première ni la dernière fois- ce qui les radoucirait peut-être un peu. Cherchant en elle des talents de comédienne, Erynn fait un timide pas en avant et sort son regard de chiot battu. Se focalisant sur le policier au képi, vu qu'il semble être le plus disposé à les écouter, elle poursuit.

« W-we want no trouble, please take Nanny's hm... eh gift, and let my friends go. We will leave this place right away and go home. Whatever they did they apologize, right guys ? »

Les policiers semblent intrigués par le plaidoyer et ne comprennent sûrement pas tout ce qu'elle dit, mais au moins l'idée générale semble être passée vu qu'ils se retournent vers les deux jeunes gens menottés, l'air curieux. Ces derniers ont arrêté de se débattre depuis qu'ils ont flairé la porte de sortie leur évitant l'arrestation. Aussi quand Erynn les pousse d'une mimique nerveuse et un regard insistant à renoncer à leur orgueil, 'cheveux bleus' ne tarde pas à se redresser d'un air suppliant pour murmurer quelque chose dans une langue inconnue. La jeune blonde quand à elle continue de marmonner et de jouer des épaules d'un regard furieux, visiblement peu encline à céder.

Intérieurement Erynn se sentait dégoûtée par cette situation dans son ensemble. Sans parler du pot de vin apparemment considéré par ces types, le fait même que ces gens doivent présenter leurs excuses était grotesque. Pourquoi devaient-ils s'excuser d'avoir une sexualité différente et de militer pour leurs droits ? Cela n'avait aucun sens, c'était révoltant à bien des niveaux et ces abus muaient sa peur en colère. Néanmoins il lui était très compliqué de les aider plus efficacement alors qu'elle se trouvait elle-même dans un sacré pétrin. Enfin le regard rivé sur la petite blonde et la négociation bizarre qui avait lieu, Erynn pria qu'elles ne soient pas les prochaines à prendre les policiers à rebrousse-poil.

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Aline Brillant


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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeDim 30 Juil - 17:57

L’air est électrique. Au milieu des cris, de la fumée, et des protestations étranglées qui tailladent le silence comme une pluie d’éclats de verre, à chaque instant, notre petit rassemblement, lui, me semble transformé en œil du cyclone. Des fils ont été tendus, et tirés jusqu’à menacer de claquer, entre les épaules de chacun des protagonistes de ce macabre théâtre, et les échanges monocordes en russe s’intercalent à grand peine entre les longues périodes de silence.
Épais et pesant, le silence. Le genre que je n’avais plus vraiment fréquenté depuis la disparition de ce qu’il restait de ma belle-famille, et du souvenir de ces dimanches après-midi passés à tenter de convaincre mon fiancé de rédiger un contrat de mariage. J’ai l’impression de sentir le goût du thé au jasmin me remonter dans la gorge, dans un réflexe des sens – ou de la mémoire – qui m’échappe complètement.

La discussion s’échauffe légèrement, entre Crâne chauve et Képi. Les mots deviennent plus tranchants, les intonations plus brutales, et le contraste entre leurs paroles et leurs silences se fait vertigineux.
De temps à autre, Képi fait un geste brusque, brandissant l’argent devant lui comme on le ferait d’une arme, ce à quoi Crâne chauve répond en agitant sa prise sur les bras de Blondinette, qui couine misérablement. Chaque mot plus haut que l’autre fait trembler le public, et je sens mes vêtements se tremper peu à peu d’une sueur glaciale. Pourtant, quelque chose, toujours, brille dans les yeux de Cheveux bleus, qui semble en comprendre bien plus que moi dans ce débat d’idéaux, alors je m’y accroche avec toute la bravoure qu’il me reste.

Rien n’est encore perdu.

Au bout de cinq interminables minutes, quelque chose semble se produire. Crâne chauve pousse un soupir vaincu, surveillant d’un mauvais œil leurs captifs, puis dans un petit hochement de tête contrarié, il donne un genre de signal à son collègue. Cheveux bleus et Blondinette entrent alors sur les planches, enfin visiblement autorisé.es à plaider leur cause, ou du moins céder aux deux soldats quelques paroles conditionnelles à leur libération.
Je ne suis pas tout à fait certaine de ce qui se déroule, sous mes yeux, mais j’en comprend assez bien les enjeux. M’appuyant péniblement sur l’épaule de ma voisine, qui soutient toujours une partie de mon équilibre, je redresse mon vieux dos, et tend mon cou aussi haut que mes vertèbres tassées peuvent me le permettre. Les phalanges de mes doigts, elles, ont blanchi à force de serrer le bord de mon sac à main…

Finalement, après encore quelques insoutenables moments d’incertitudes, les rouages de la libération semblent se mettre en marche. Képi empoche l’argent, et Crâne chauve suit le mouvement, tirant de sa propre poche la clef des menottes de Blondinette. Les deux mômes sont ensuite balancées sans ménagement dans notre direction, avec un aboiement en guise de péroraison. Le rideau est tiré, et les deux soldats s’en retournent à leur fourgon, après nous avoir foudroyé de deux regards d’un noir profond.


Blondinette boîte, sa jambe visiblement gonflée et mal en point, au niveau du genou, et elle doit s’agripper à son ami.e pour ne pas s’effondrer. Malheureusement pour elle, nous ne disposons ni du temps nécessaire ni de l’environnement adéquat pour un examen approfondi de sa blessure. Je ne suis pas experte, mais au mieux, il pouvait s’agir d’un simple écrasement du muscle ou des nerfs. Au pire… un genre de fracture ou de foulure plus compliquée à soigner, peut-être ? Rien dont nous ne pourrions-nous occuper dans l’immédiat, de toute façon. La pauvre enfant en est certainement consciente, et conserve un air de détermination farouche, malgré les plissements douloureux de son visage.
Cheveux bleus, pour sa part, s’approche de moi, sondant mon visage avec un mélange de méfiance et de gratitude. Je réalise, alors que je croise enfin son regard, que je suis tout à fait incapable de lui donner un genre. Ses traits sont fins, délicats, mais dessinent des angles, ici et là, en un labyrinthe androgyne auquel je ne parvient pas à trouver de solution. Peut-être bien qu’il n’y en a aucune à trouver, d’ailleurs. A la question silencieuse qui traine dans le fond de ses yeux gris, je hausse doucement les épaules, et me contente de sourire, aussi sereinement que ma tension artérielle me le permet. Sa voix, alors qu’elle tente de m’interpeler, est faible est rocailleuse. Comme le couinement d’un petit renard.

« Um… Thank you. For the money… »

Un air particulièrement embêté se dessine sur son visage, et je devine qu’il est probablement sur le point de se lancer dans des histoires de gratitude, ou de remboursement quelconque. Je secoue la tête, et tend ma vieille main pour la poser sur son épaule. L’urgence de notre situation luit férocement dans mon regard, alors qu’il croise le sien.

« No time ! We go, now. »

Je donne un petit coup de menton en direction d’une des allées du parc, qui semble s’étirer vers la ville et loin de l’agitation environnante. La route de sortie me parait toute tracée, et il nous suffit de la prendre. En réalité, le véritable souci se posera juste après, car une fois sorties de ce merdier, je n’ai pas vraiment d’hôtel où me rendre, ni même la moindre idée de comment me repérer dans cette ville dont j’ignore jusqu’au nom. C’est d’ailleurs probablement aussi le cas de la jeune femme asiatique qui me soutiens sans faillir, bien que je n’aies pas le temps de m’étendre sur cette réflexion là pour le moment. Mes yeux sondent les visages du petit duo russe, où semblent se refléter un semblant de compréhension, et d’un accord silencieux, notre petite escouade se met en route. Nous marchons vite – du moins aussi vite que mon état, et surtout celui de Blondinette, qui ne peut pas retenir quelques couinements de douleurs chaque fois que son pied droit se pose sur le sol, malgré tous les efforts de Cheveux Bleus à côté d’elle.

« I… Me and Doc here, we have no place. For hiding. Can you help with that ? »

Iel semble réfléchir un instant, les traits tirés de fatigue, et après un rapide échange en russe avec sa charge, iel se retourne vers nous, un sourire confiant au bord des lèvres.

« Yes. There is a place. Like a home. Safe. With friends. People will go there, we can go too. »

Je hoche la tête, et nous nous remettons en marche. La sortie du parc n’est plus très loin, à présent, et un mélange de soulagement, à l’idée que ce cauchemar soit bientôt terminé, et de déchirement, au rappel du fait que pour la plupart des gens qui étaient présents sur cette place, il ne fait que commencer. Je me secoue, et hâte mon pas, jetant un regard en direction de ma voisine pour m’assurer que je ne commence pas à trop peser sur elle, malgré mes efforts. Nous avions fait ce que l’on pouvait, et rester pour nous mettre en danger n’aurait probablement servi à grand monde. C’était la bonne décision à prendre.

Notre troupe s’arrête à l’intersection de l’allée du par cet d’une grande avenue piétonne, et tandis que nos guides discutent du meilleur chemin à prendre – ou du moins c’est ce qu’il me semble – je me tourne vers la jeune femme asiatique pour l’examiner, un air embêté sur mon visage.

« Sorry for… assuming. But you should come with us, if you don’t have a place safe. »

Après tout, il est tout à fait possible que j’aie mal jaugé la situation, dans la panique, et qu’elle ne soit, contrairement à moi, qu’une touriste déboulée au mauvais endroit au mauvais moment. Mais je ne sais pas si me lancer dans une explication rocambolesque de ma propre situation, en anglais qui plus est, et ce dans le simple but de lui demander si elle se trouve ici par des circonstances similaires, serait une bonne idée. Surtout que cela pourrait affoler nos guides, ou des passants. Ou elle, d’ailleurs, si j’ai véritablement échoué dans mon analyse de la situation.

Mon regard glisse à nouveau vers le petit duo des russes, et s’attardent sur la jambe de Blondinette, et l’hématome salement violacé et gonflé qui lui englobe à présent le haut du tibia et le genou. Je remonte chercher les yeux de la jeune femme, bien consciente que, depuis le début, je lui demandais un sacré paquet de faveurs sans même connaître son nom. « Also I think they could use, uh… your medical help. Doctor… »

Un petit sourire hésitant serpent le long de mes lèvres de mamie, déridant un peu la tension qui jusque-là monopolisait mon visage.

« My name is Aline, by the way…
- Hey ! We know the way. Come with us, if you want, okay…? »


Cheveux bleus nous fait des signes, désignant une rue perpendiculaire dans laquelle nous devons visiblement nous engager, à leur suite, pour rejoindre l’endroit qui nous avait été désigné comme un endroit « pareil à une maison », et où l’on serait, nous et d’autres dans notre situation, au chaud et en sécurité. Personnellement, ça me paraissait un bon deal, mais sans le soutien de ma voisine, si celle-ci décidait de foutre le camp, mes chances d’y arriver sans m’effondrer sur le trottoir, comme une vieille serpillière jetée hors de son seau, étaient probablement maigres. Mes genoux et mon dos me faisaient un mal de chien…
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Erynn H. Howlett


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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeDim 12 Nov - 19:51

Le froid mordait sa peau exposée comme mille insectes rampants, joignant désagréablement la nervosité qui la faisait trembler de la tête aux pieds. Laquelle des deux sensations prenait le dessus ou était arrivée la première, Erynn ne saurait le dire. Maintenant que son attention n'était plus focalisée sur la prestation de soins elle en revenait à la réalité brutale, et cela revenait à être parachutée à pleine vitesse vers l'incontrôlable. Son habituel sang-froid avait été précipité par la fenêtre, depuis au moins le septième étage et puis franchement ces négociations étranges, ce n'était pas son domaine.
Tétanisée par la peur de se faire contrôler par des autorités corrompues et vulnérable dans son petit pyjama Totoro, Erynn se sentait ironiquement plus proche de l'enfant que de la femme adulte. Un sourire tendu se dessine sur ses lèvres, sans conviction aucune, en piètre distraction, tentative grossière d'attirer la sympathie des policiers. Lorsque ces derniers malmènent 'cheveux bleus' un peu trop elle se mord fort la lèvre afin de ne pas céder à ses instinct rebelles. Petit à petit la frayeur cède sa place à une révolte croissante, un mélange de colère grondante et de souvenirs de sa propre jeunesse indocile. Maintenant que sa vie était bien rangée cela semblait si loin, et pourtant... pourtant ce genre d'incidents lui était douloureusement familier.

Instinctivement son bras se serre un peu plus autour des épaules d'Aline, dont elle frôle gentiment les bras en signe de réconfort. Ou d'encouragement mutuel, peut être. Les deux hommes discutent de plus en plus vite, les laissant étrangères à ce qui se dit. Ainsi limitées par la barrière de la langue, les deux femmes n'ont d'autre choix que d'attendre plus ou moins patiemment qu'ils tombent d'accord. Finalement au bout d'un moment l'attente prend fin, et une fois l'argent empoché les deux manifestants sont relâchés, balancés sans ménagement dans leur direction.
Erynn a tout juste le réflexe de réceptionner 'cheveux bleus' qui titube en sa direction et se redresse bien vite en se frottant les poignets, mitraillant ses détracteurs d'un regard meurtrier comme pour protéger ce qui reste de sa fierté. Sans trop se formaliser là-dessus, la rouquine se penche sur la jeune blonde qui ayant moins de chance ou de forces, tombe à genoux à leurs pieds. Lui tendant une main pour l'aider, Erynn agite la tête avec dépit. Parfois l'Humanité faisait honte à voir. Elle serre les dents de rage contenue.

« Are you okay ? »

L'adolescente regarde avec effroi le sang sur ses mains et hésite longuement à la saisir. Enfin en voyant les coupures sur ses jambes et surtout en prenant en compte leur aide, elle finit par l'accepter, les yeux fuyants. Néanmoins elle ne tarde pas à reculer un peu et se rapprocher de 'cheveux bleus', en boitant ostensiblement. Navrée de voir ce rassemblement créer une autre blessée, Erynn hésite à l'approcher tout de suite. Au lieu de ça son regard suit le fourgon de police qui s'éloigne enfin, toutes sirènes hurlantes, probablement allé malmener d'autres malheureux un peu plus loin. Ces deux rescapés s'en tiraient aujourd'hui, mais combien d'autres se feraient arrêter ou frapper ? Une moue de dégoût traverse son visage avant qu'elle ne revienne enfin au moment présent, réprimant l'envie de leur coller un pain ou leur faire un doigt pour se défouler.
Aline tentait tant bien que mal de communiquer et d'être la voix de la raison pour tous ces jeunots... et elle avait raison. Il fallait absolument qu'ils se tirent s'ils ne voulaient pas encore se mettre dans le pétrin. Tout le monde en avait eu pour sa dose mensuelle de sensations fortes. Prenant soin de soutenir mamie dans sa marche, Erynn suit le duo russe tout en jouant les oiseaux de proie à la recherche du moindre signe de danger. N'ayant plus de bras libre pour s'équiper de sa pancarte-bouclier, elle ne peut empêcher ses sens d'être en alerte, même quand les lignes vertes du Champ de Mars disparaissent enfin en faveur des rues bondées de Saint-Pétersbourg.

« Thank you, really. Please take us there so I can take a look at your friend's leg. »

Cependant ils continuent de faire connaissance en marchant, le sentiment d'urgence ne les quittant pas, et il suffit de regarder alentour pour comprendre pourquoi. Un bon nombre d'autres manifestants commence en effet à déserter les lieux, les blessés et les moins téméraires cherchant à quitter ce fourbi avant d'être pris à défaut ou coincé entre deux feux. Lorsqu'ils traversent la rue au feu rouge, au rythme cahin-caha que permettent les blessures des uns et des autres, Erynn aperçoit d'autres personnes allant dans la même direction. Tantôt des couples aux t-shirts bariolés de la  Pride main dans la main, tantôt de petits groupes qui continuent de vociférer chants et slogans, en ultime défi ou refus d'abandonner malgré cette bataille manifestement perdue. La guerre continuerait un autre jour, à n'en pas douter.
Profitant que les deux jeunes soient distraits avec autre chose, Erynn murmure à sa compagne d'infortune en se demandant si elle aussi était une victime de l'effet Davis. Et à en juger par les billets étrangers qu'elle avait tendu aux policiers c'était probable. Après tout Aline avait l'air au moins aussi perdue qu'elle... ce qui n'était pas peu dire. Pas prête à avouer qu'elle avait déboulé par téléportation, Erynn s'en tient à rester vague pour ne pas attirer les soupçons.

« Nah it's okay, I will go with you and make sure everyone is okay. Although I need some clothes. »


Erynn fronce du nez en jetant un regard dépité sur ses chaussons et ses jambes nues ou les coupures s'étaient mises à saigner. Ce n'était rien de grave et outre une sensation de brûlure elle ne risquait rien une fois que ce serait désinfecté mais en attendant il faisait un froid de canard. Prenant une grande inspiration pour se donner du courage, elle sourit et redresse ses lunettes de l'index.

« No need to be so formal. Please call me Erynn. » Elle acquiesce et dans les lueurs vertes de ses yeux en amande monte une chaleur presque affectueuse pour la première fois. Cette dame avait une lueur d'énergie dans le regard et lui rappelait un peu sa grand-mère,... en ce moment à l'autre bout du monde. « Aline is it ? Like the french song ? »


Elle ne comprenait pas le français au delà de quelques mots, mais elle pouvait le reconnaître pour avoir été exposée au patois du Québec. Non que cela défasse sa confusion au sujet des origines d'Aline, en fait ça la rendait encore plus curieuse. Mais c'était pas trop le moment de poser ce genre de questions personnelles.
Leurs guides semblaient disposés à leur rendre la pareille d'une certaine façon et ne se montraient pas étonnés de les voir discuter ensemble. C'était normal vu qu'elles avaient fait semblant d'être de la même famille, et ce n'était pas une mauvaise chose en soi. Tout était mieux que de leur avouer qu'il y a moins d'une heure Erynn se brossait les dents dans son appartement en banlieue de Séoul...
Il fallait espérer qu'Aline accepte de jouer le jeu, autrement c'était foutu. Un peu nerveuse, Erynn se laisse porter par  la conversation de 'cheveux bleus', qui semble bien plus à l'aise avec ce genre de formalités.

« I'm Sasha. My friend is Esfir. »
« I'm Erynn, and nanny here... is Aline. »

Comme leurs prénoms sonnaient un peu proches avec un peu de chance peut-être cela corroborerait-il leur lien. Du moins si aucun des deux russes ne commençait à avoir des soupçons d'ici là, ou ne surprenait une conversation un peu trop bizarre. Mais à en juger par l'expression fermée de Sasha, dont le prénom n'aidait pas à poser un genre sur les traits androgynes, ils avaient d'autres choses en tête qu'interroger les gens qui les avaient aidés. À en juger par leur calme et le naturel avec lequel ils agissaient, ce n'était sans doute pas leur premier conflit avec les forces de l'ordre. Pourtant dans les yeux fuyants d'Esfir, entre deux clignements chargés de douleur, il y avait une gratitude certaine.

Erynn souffle dans ses doigts congelés et regarde autour d'elle comme un lapin pris dans les phares d'une voiture. Cela faisait plusieurs minutes qu'ils marchaient dans les rues de moins en moins cossues de cette ville inconnue, et doucement le décor commençait à changer. Après avoir traversé un long pont au dessus d'une rivière, les arbres et la verdure du square où elle avait déboulé avaient cédé leur place à des rues jalonnées de maisons à deux étages seulement.
Néanmoins il se trouve que Sasha se baisse pour laisser Esfir monter à califourchon sur son dos. Cette dernière gémit faiblement avant de s'exécuter dans une grimace, incapable de marcher plus longtemps. Cela dit malgré tout ce moyen de transport improvisé leur permet de progresser de façon plus régulière, quoique toujours adaptée au rythme d'Aline, que personne ne presse.
Le soleil déclinait à l'horizon en brûlant ses derniers éclats rubis, incendiant les bâtisses grises qui dans ces températures avoisinant le zéro lui paraissaient terriblement tristes. Le quartier était résidentiel, et quoi que certains vestiges de neige sale entachent l'impression de la neurologue, au moins ne se sent-elle pas en danger immédiat. Un soupir de fumée quitte ses lèvres pâles et gercées. Maintenant que l'adrénaline retombe elle a du mal à rester sur place. Bouger est ce qui semble encore lui faire générer un peu de chaleur.

Pourtant soudainement le duo soviétique s'arrête en peloton et Erynn est contrainte de faire de même. Un instant elle s'interroge en regardant la façade en travaux du bâtiment le plus proche, se demandant avec incrédulité s'ils étaient arrivés. Entre les bâches de protection elle devine des la couleur de tags qui couvrent les briques de haut en bas, rendant le tout confus et curieux à la fois. Évidemment Erynn ne peut lire les caractères cyrilliques dont l'alphabet lui est totalement inconnu, toutefois il se dégage de l’œuvre urbaine et de l'endroit entier une atmosphère singulière.
Sasha aide Esfir à s’équilibrer sur le mur afin de se libérer les mains, soulever les protections couvertes de poussière, ouvrir un lourd cadenas, et les faire toutes passer par une porte latérale qu'il décoince d'un vigoureux coup d'épaule. Apparemment c'était à moitié abandonné, ce qui donnait un autre sens à ce qui avait été expliqué plus tôt. Un endroit qui leur servait de maison... un squat.
Erynn sourit avec mélancolie, pas trop étonnée malgré tout. Elle n'était pas en position de faire la fine bouche et puis franchement à ce stade avoir un toit -n'importe lequel- au-dessus de la tête, c'est tout ce qu'elle demandait.

« My kingdom for a blanket. »
« Come, it's warm inside. »

Sasha échange quelques mots avec Esfir et la reporte doucement en montant en premier les escaliers qui mènent au deuxième. Enfin une fois arrivé en haut, souffle court inconfort mis de côté, il ouvre grand une porte qui avait connu de meilleurs jours pour les laisser entrer. Erynn s'accorde avec Aline sur ce qui doit passer en premier afin de lui faciliter la vie, puis s'exécute et entre enfin dans la large pièce presque vide, tapotant des pieds afin de faire circuler un peu de sang dans ses pieds gelés.
Un petit couloir menait à une pièce dégagée et presque nue de meubles, dont les murs d'un rose pâle était emplis de graffitis, de dessins au feutre et de nombreux « A » anarchistes. Enfin dans un coin près de la fenêtre plusieurs matelas à même le sol constituent ce qui semble être à la fois l'espace à vivre et les lits. Les couvertures et autres couettes y sont jetées en tas dans un labyrinthe de couleur à côté d'une guitare, une pile de livres et un tas d'autres bricoles, d'où ressort soudainement un chien bâtard fort enthousiaste. Saluant les nouveaux arrivés de plusieurs bonds énergiques, ce dernier aboie et se frotte aux jambes de Sasha, qui le retient assez vite par le collier.

« Laika nice, okay ? But I eh... stop Laika cause Esfir hurt. »
« Sure, lemme see that wound. » Erynn s'avance et passe un bras de la jeune blonde autour de ses épaules afin de l'aider à s'asseoir sur un des matelas. Lui recommandant de tendre sa jambe sans trop bouger, la rouquine fronce les sourcils. Ça allait être compliqué de l'aider ou l'examiner sans un seul outil ou un minimum de confort. De ses mains elle  s'accroupit et ausculte la jambe meurtrie avec délicatesse, se demandant toujours comment cette fille était capable de porter un short en jean par un temps pareil. Elle même était au bord de l'hypothermie avec une tenue similaire... sauf que ce n'était pas par choix.

« I'm sorry, I know its painful but I need to check. » Prise d'un énième frisson, elle masse doucement le genou malgré les plaintes de l'adolescente qui essaie de fuir son toucher sans trop de succès. Bien sûr après être mal tombée de tout son poids, ca ne pouvait être que douloureux. Cela dit selon les réactions et les réactions aux stimuli, ce n'était normalement pas très grave.
« I doubt it's broken. Muscle is sprained though. You need to rest without moving for a couple of days. Also ice would help, do you have any ? »

Du regard Erynn se retourne à la recherche de Sasha, mais ne trouve qu'Aline plantée à l'entrée, le regard un peu hagard. Confuse, elle est sur le point de se relever quand elle se fait attaquer par le chien qui lui lèche épaules et visage. Surprise, elle tombe sur les fesses sans la moindre élégance. Néanmoins trop fatiguée pour s'en formaliser elle finit par s'asseoir au bout d'un matelas et reposer sa tête contre le mur derrière elle, caressant l'animal d'une main distraite. Enfin un crissement trahit le retour de Sasha, qui revient en traînant derrière lui un vieux canapé une personne rouge vif, d'un air tout fier. Visiblement décidé à faire les honneurs de l'hospitalité à la doyenne de ses visiteuses, il dépoussière le siège et invite Aline à prendre place pour un peu de repos bien mérité.

« Others not back yet. You can... » Il gesticule à la recherche de ses mots. « Rest here. » Sasha passe une main dans ses cheveux bleu électrique et repart dans la pièce d'à côté, les laissant toutes trois dans un drôle de silence.
Maintenant qu'il ne jouait plus les durs il avait lui aussi l'air d'un grand gosse. L'espace d'un instant Erynn s'interroge sur ces jeunes, sur la nature de leur vie de tous les jours et leur avenir. Étaient-ils livrés à eux mêmes ? Son regard erre sans but dans la pièce.

« Are you okay, nanny ? » Par facilité il valait mieux garder ce surnom et Erynn espérait qu'Aline ne le prendrait pas pour une marque de familiarité déplacée. D'un autre côté il fallait bien garder les apparences. Se laissant aller un peu, Erynn s'adosse à un mur poussiéreux couvert d'un poster étonnamment bien conservé de Che Guevara, zieutant envieusement le coin douceur où Esfir se fait câliner par Laika. Ramenant ses jambes vers sa poitrine, Erynn se roule en boule avec le menton sur ses genoux.
Enfin retentit une musique qui meuble le vide, une chanson vaguement jazzy clairsemée de grésillements, apparemment tout droit sortie d'une vieille radio dans l'autre pièce. Erynn glisse une œillade vers Esfir, qui s'est allongée en silence avec les bras autour du chien, puis vers Aline pour qui elle s'inquiète de plus en plus. Tout ça c'était pas évident pour elle bien sûr... mais pour l'excentrique dame ça devait être encore pire...
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Aline Brillant


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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeMer 17 Jan - 2:36

Le vieux canapé prend des airs de confortable trône, alors qu’il se glisse sous les vieux os fatigués d’Aline, et ses coussins usés par le temps soupirent presque autant qu’elle, en s’affaissant mollement sous son poids. Elle ferme les yeux quelques instants, encore sonnée par le chaos et la rapidité extrême avec laquelle s’étaient enchaînés les derniers évènements.

D’abord la Russie. C’était un gros morceau, ça, son déplacement jusqu’au milieu de la Russie urbaine, mais plus elle contemple les faits plus elle réalise qu’elle n’a pas très envie d’y réfléchir. Si elle ne me réveille pas rapidement dans son lit, alors il faudra se disposer à contacter un certain avocat. Celui dont la carte de visite prend la poussière depuis des semaines, quelque part sur son frigo. Dès lors, il sera bien temps de se pencher sur la question de sa santé mentale…

Ensuite, il y a tout le reste. À savoir cet endroit, les gens qui l’habitent – au nez et à la barbe du gouvernement local – ainsi que celle qui l’a accompagnée jusqu’ici, et qui s’évertue présentement à soigner la jambe de la blondinette. Esfir. Pour la petite russe aux yeux exténués. Et Erynn pour sa camarade d’infortune.
Si cette dernière constitue effectivement une nouvelle espèce de Nathan Weathers, dont elle est, à son grand désarroi, devenue la compagne de route, alors peut-être que, tout comme lui, elle détient sans le savoir la clef qui les renverra d’où elles sont venues. En attendant, rêve ou pas, voyage de retour ou non, Aline peut maintenant contempler, étalées sous ses yeux, les cartes avec lesquelles elle va devoir jouer cette drôle de partie. Les règles du jeu lui-même lui échappent encore, mais qu’à cela ne tienne.

Elle ne va pas simplement s’effondrer là et attendre que le ciel lui révèle ses tristes desseins, comme un de ces vieux cloué au lit de son mouroir.
Des choses à faire, il y en a. A commencer par la question d’Erynn, qui reste dans réponse depuis plusieurs secondes maintenant. Soulevant ses lourdes paupières, la vieille femme braque ses prunelles bleu acier dans sa direction, un sourire crispé de fatigue – et d’une infime trace d’agacement – au bord des lèvres.

« Je… préfèrerais qu’on évite les surnoms en tout genre, ils me font me sentir bien plus vieille que je ne le suis déjà… » Sa vieille main se soulève, pour balayer distraitement l’air devant elle, en signe de dédramatisation, tandis que Sasha disparait à nouveau de la pièce. Esfir, elle, semble observer l’échange sans vraiment le comprendre – visiblement moins versée dans les langues saxonnes que son ami.e – en s’appuyant mollement contre le flanc du chien. « Aline c’est très bien, va. Je ne pense pas qu’on nous regardera de travers ici, si on reste évasif sur… certains détails. »

Après tout, ça serait bien le comble.

L’une et l’autre n’ont pourtant pas bien le temps de s’étendre davantage sur la question, puisque la porte s’ouvre à nouveau, pour laisser passer Sasha, le sourire aux lèvres et les bras chargés d’un grand plateau à thé en métal ouvragé. Sa voix, dans la pièce, résonne légèrement, emplie d’un mélange d’hésitation et de bienveillance.

« J’ai fait… thé noir ? » Le sourire qui vient illuminer la petite bouille fatiguée de Sasha pourrait faire fondre le plus glacé des cœur, et il ne manque pas de réchauffer celui d’Aline, qui hoche la tête avec beaucoup de bienveillance. « Bien chaud. Russian Caravan. C’est très bon ! »

Les bras chargés de son immense plateau, la petite russe jette un regard qui semble gêné en direction d’une petite table de salon en bois, rangé à l’horizontale contre le mur du fond, comme réalisant soudain son erreur d’organisation. Aline, comprenant à son tour l’enjeu de cette légère perturbation, se jette à nouveau sur ses pieds – non sans faire craquer quelques vertèbres contrariées – pour traverser la pièce, et rapporter près des lit le meuble en question.

« Tiens, voilà. Ça ira, comme ça ?
- Oui, merci. »
 L’ombre d’un sourire vient très joliment creuser ses joues arrondies, accentuant davantage encore l’ambiguïté de ses traits. « Tu es très gentille, madame…
- Aline. Juste Aline. »


C’est qu’elle y tient, à son prénom. Elle n’est la grand-mère de personne, ici. De personne tout court, d’ailleurs ; et ce n’est pas aujourd’hui qu’elle va se commencer une collection de petits enfants. Patiemment, et sous son regard pétillant de bleu et de curiosité, elle assiste Sasha dans l’installation de leurs tasses – toutes différentes et dans des états d’usure plus ou moins flagrants – puis elle se rassoit docilement, guidée jusqu’au fauteuil par sa main tranquille tandis qu’il se lance dans une série d’explications plus ou moins compréhensibles.

« Ça, ici c’est zavarka. Thé, très fort. Beaucoup de goût. Quand c’est bien infusé on le met dans la tasse et ensuite on rajoute de l’eau chaude comme on préfère. C’est l’autre théière ici. Et ensuite il y a le miel. Et… »

C’est Esfir qui interrompt son petit discours enjoué, la voix chargée d’inquiétudes que seule sa langue maternelle semble pouvoir exprimer. Ils échangent quelques mots, sous le regard intrigué de leurs invités, et même Aline interrompt la contemplation curieuse qu’elle était en train de faire du petit plateau au contenu fort sympathique pour poser sur eux son attention la plus complète.

« Oh. Euh… Erynn, c’est ça ? Elle… Elle demande si il faut du froid, pour sa jambe ? Elle n’a pas bien compris, l’anglais c’est difficile, pour elle.
- Oui, de la glace, ce serait le mieux. Et il ne faut pas qu’elle bouge, d’après… la doctoresse.
- D’accord… »


D’un bond, Sasha se relève, les jambes comme montées sur de petits ressorts mécaniques. Il a des airs d’oiseau affolé, pendant quelques instants où il laisse aller son poids d’un pied à l’autre, indécis, puis, après avoir livré une dernière confession en russe à sa jeune et blonde amie, il se précipite à nouveau hors de la pièce. Ses mains le retiennent, pourtant, en s’accrochant au cadre de la porte, et croisant le regard d’Aline par dessus son épaule, il saisit cette occasion pour s’étendre sur quelques recommandations de dernière minute.

« Je vais aller chercher ça. Attendez que le thé infuse bien, Esfir saura. Et aussi il y a des gâteaux dans le sac rose. »

Le battant de la porte se referme sur un petit éclair bleu, et le calme retombe lentement dans la pièce. Chaque seconde est un grain de poussière, traversant un rai de soleil pour retourner nourrir la couche épaisse de silence qui recouvre la pièce. Sans sa brave princesse en bleue pour venir secourir son esprit en quête de distraction, et avec la consigne de ne pas toucher au thé avant qu’il ait fini sa longue infusion, Aline se retrouve un peu démunie. Coincée avec des pensées parasites qu’elle n’a aucune envie d’écouter. Seule la respiration bruyante de Laïka, et le vague murmure d’agitation lointaine qui doit correspondre aux fouilles acharnées de sa propriétaire, viennent apporter un peu de rythme à cet interlude fatigué.

[…]

C’est à peu près à l’exact instant où Aline décide de se lever pour aller chercher le sac rose que lui avait indiqué Sasha, qu’un brouhaha de voix et de chocs s’engouffre dans le couloir, avant de faire voler la porte, et la pauvre grand-mère manque de se ramasser le nez par terre tant le choc la fait sursauter. Debout au milieu de la pièce, elle ne peut que contempler, les yeux ronds comme deux billes de verre, alors qu’une jeune femme à la carrure immense, et au visage couvert de sang, fait irruption au milieu du petit squat sans prétention. Elle a des cris en russe plein la bouche, des cheveux courts et hirsutes, sculpté par la sueur, ainsi qu’un marcel blanc et un jean usé, eux aussi dans un état épouvantable de saleté. Ce qui attire le plus le regard, pourtant, et malgré l’abondance de sang et de colère sur le visage de cette impressionnant personnage, c’est le corps frêle, parfaitement inconscient, d’un jeune garçon slave aux longs cheveux châtains, qui repose mollement sur son épaule musclée. Elle semble l’avoir jeté là, comme on porterait un sac de pommes de terre jusqu’à la remise, visiblement pour le ramener après ce qui ressemble à un passage à tabac en bonne et due forme.

Quoiqu’au vu des circonstances, il est fort probable que l’état du pauvre garçon ne soit pas de son ressort. Soit elle avait tenté de l’arracher de ses mains d’un compacteur à ordures en marche, soit leur altercation avec ces maudits agents de police, là-bas sur la place, ne s’était pas déroulée aussi paisiblement que la leur. Pendant que l’esprit presqu’hagard d’Aline tente de digérer cette violente bouffée d’informations nouvelles, la bruyante importune échange quelques mots avec Esfir. Cette dernière, complètement paniquée, tente de se relever pour aller à sa rencontre, mais ne parviens pas à se dégager de sous le poids de la chienne. Leur échange se fait entièrement en russe, mais au vu des regards qui parcourent la pièce, de part et d’autre de la discussion, il semblerait qu’elle soit en train de plaider leur cause.

Finalement, la plus grande tourne ses yeux gris et grondants vers la silhouette tassée d’Aline.

« Anglais… ? »

L’accent est plus fort, et plus hachuré, dans sa voix, que dans celle de Sasha, mais les mots restent compréhensibles. La vieille française hoche lentement la tête.

« Tu… Besoin de la place. Mon ami Filip. Blessé. »

Le reste se passe – fort heureusement – de plus d’explications. Aline s’avance pour aider Erynn à déplacer Esfir, et l’installer tout au bord du petit îlot de matelats, l’épaule appuyée contre le mur, tandis que la nouvelle arrivante dépose son paquetage le plus délicatement possible – bien plus gracieusement qu’on aurait pu l’en croire capable, au vu des apparences – au milieu des draps. Le garçon a l’air encore plus frêle, maintenant qu’il est étendu ainsi, et que le camaïeu des bleus qui constellent sa peau et son visage apparait plus clairement à la lumière de l’unique néon. Il a été roué de coups, et par endroit on peut distinguer la marque très nette et longiligne d’une matraque. Dans l’ensemble il a l’air visiblement très mal en point, et la blessure la plus grave, du moins d’après la maigre expertise de la vieille femme, semble être situé au niveau de sa jambe. En tout cas l’angle inquiétant formé par le tibia et l’immense tache sombre imbibant son jean semblent en être des indicateurs plutôt probants.

« Jun ! »

Ce cri là, parmi tous les autres, a des allures de prénom. Pour cause : à peine est-il beuglé, dans la direction vague de la porte, que cette dernière s’écarte pour faire place à la petite bouille froissée d’inquiétude d’un nouveau protagoniste. De carrure élancée, mais de port courbé, un jeune garçon aux traits bien plus orientaux que ses camarades s’invite dans la pièce. Il traine derrière lui un gros sac, qu’il dépose auprès de la géante, avant de l’ouvrir. A l’intérieur, tout un tas de compresses, de seringues à usage unique soigneusement emballées ainsi qu’un gros vrac de médicaments, et de matériel médical, qui donne l’impression qu’on a jeté là le contenu d’une ou deux trousses de secours avant de tout bien mélanger en secouant.

Les yeux du propriétaire, eux, papillonnent, allant et venant entre les intruses, le blessé, et celle qui semble faire office de figure d’autorité dans le petit Squat.

La discussion se poursuit, dans un russe toujours aussi inaccessible, et deux noms d’y trouvent confirmés plusieurs fois, au milieu de la confusion d’informations incompréhensibles ; Jun, qui désigne bien le petit asiatique aux cheveux longs, et Isidora, pour sa compagne robuste d’épaules et de caractère.

La voix de Sasha vient s’y mêler, depuis le couloir, et semble mentionner Erynn par son nom, sans qu’il soit possible d’identifier tout à fait pourquoi. Isidora, aussitôt, se tourne vers elle. Son regard est plein d’une intensité presque désespérée, qui est d’ailleurs la seule chose de relativement lisible, au milieu de la toile de sang plus ou moins séché qui lui macule le reste de la figure. Pourtant, c’est Jun qui prend la parole, quittant avec confiance le russe qui habillait ses mots pour se glisser dans une langue qu’Aline ne reconnait pas non plus, mais qui semble tout de suite beaucoup plus asiatique à l’oreille.

« Toi, tu es un docteur ? »

Ses yeux brillants de panique se sont braqués sur Erynn comme ceux d’une biche prête à percuter l’avant d’un 4x4. Mamie, elle, en a profité pour attraper le bord de la table basse, et commence à la tirer contre le mur, sous le regard attentif d’Isidora.

« Tu… tu parles Japonais ? Parce que si tu sais quoi faire moi je…  J’suis juste en école d’infirmier, je sais pas… Je sais pas c’que je peux faire, et si on va à l’hôpital… »

Oh tout le monde ici semble bien se douter de ce qu’il adviendra de Filip si on fait l’erreur de l’emmener à l’hôpital. Reste à savoir si le sort qui l’attend en restant ici lui sera réellement plus favorable.


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MessageSujet: Re: Smoke and voices [Erynn]   Smoke and voices [Erynn] Icon_minitimeMar 30 Jan - 15:39

« D'accord. » Répondit-elle brièvement, un sourire aux lèvres.

Évidemment il ne lui coûtait pas grand chose d'accéder au souhait d'Aline afin de ne pas la mettre mal à l'aise, surtout que ce n'était pas du tout son intention. Sans doute Erynn s'était-elle faite trop proche dans le besoin inconscient et un peu enfantin de trouver et donner du réconfort auprès d'une figure qui lui suscitait naturellement de la sympathie. Par ailleurs si cette demande éveillait chez elle une certaine forme d'amertume face au rejet, la vieille dame n'avait pas totalement tort. Il était peu probable que des manifestants se montrent curieux de leur origine ou manquent de tolérance envers ce qui les amenait là, tant et aussi longtemps qu'elles ne leur porteraient pas préjudice.
Surveillant la pièce avec nervosité la rouquine avait du mal à baisser sa garde en dépit de la fatigue croissante et l'adrénaline qui retombait lentement. De plus l'envie de discuter avec Aline se faisait de plus en plus forte suite à ce qui lui avait sonné comme un sous-entendu. Serait-il absurde de croire que leurs situations étaient semblables ; et qu'au lieu d'une personne victime de l'effet Davis, deux en avaient fait les frais simultanément ? Son regard un peu affolé planait dans la pièce telle une abeille devant trop de fleurs. Néanmoins leur hôte revint les bras chargés d'un plateau diffusant de merveilleuses effluves et cela eut tôt fait de détourner son attention.

D'ailleurs la chirurgienne ne se releva pas assez prestement pour filer un coup de main avec la table, et se fit devancer. Se mordillant la lèvreelle resta en retrait les yeux rivés sur cette scène étrange, réalisant bien vite qu'Aline n'avait envie ni de bonhomies excessives, ni besoin d'être surprotégée. Ce n'était pas son intention de... Erynn déglutit, sachant pertinemment qu'elle ne saurait pas verbaliser une explication. Barricadée dans un silence qui paraissait bien lourd, elle confirma simplement qu'il leur fallait de la glace d'un vague signe de tête. Esfir était sagement allongée aux côtés de la chienne sans piper mot, sûrement trop prise la douleur.
D'une œillade coupable elle regretta que la barrière de la langue sabote ce qui restait des bribes de réconfort qui restaient à sa portée. La glace n'était qu'un substitut très trompeur. Il leur faudrait au moins des analgésiques de base pour la soulager : du paracétamol, ou même de la simple aspirine feraient l'affaire. Frustrée de ne pas pouvoir aider correctement étant donné le peu de moyens, la jeune femme se penche de temps à autre pour vérifier l'expression de la blessée, seul indicateur pouvant lui donner une idée de son état. Avec un peu de chance la glace anesthésierait la blessure et lui permettrait de dormir un peu...

***

La porte sembla soudainement gémir sur ses gonds lorsqu'elle fut ouverte à la volée, dans un claquement qui la fit sursauter. Le temps que les cris en russe finissent par descendre d'un ton, Erynn était déjà debout à les regarder l'air hagard. Le boucan était tel que espace d'un instant elle craignit que les autorités corrompues leur aient monté un coup en les suivant jusqu'au squat. Cependant Esfir ne criait pas malgré son agitation, et si assez vite elle gesticula en leur direction c'était manifestement par inquiétude. D'une main qui se voulait rassurante, Erynn tapota sa cuisse saine de façon à la dissuader de se relever de quelque façon que ce soit. Et puis maintenant que ses muscles s'étaient refroidis, la petite blonde ne parviendrait jamais à tenir debout.

« Doucement, on va discuter. Reste tranquille. »

Bien sûr ses réticences habituelles la rendaient méfiante envers des étrangers, surtout étant donné que rien ne garantissait un bon accueil en dépit de ses intentions de praticienne. D'un autre côté dès que la séoulite aperçut le blessé sur le dos de son amie, l'instinct prit à nouveau le relais. Faisant rapidement de la place sur les matelas, Erynn dégagea les couvertures et arrangea quelques oreillers en vue d'installer le blessé. Sa timidité fut mise en berne devant le sens d'obligation et elle s'approcha à petits pas, quoique un peu intimidée par l'impressionnant gabarit d'Isidora qui la surplombait de plusieurs têtes.

« Oui, anglais. » Le russe n'était clairement pas dans ses cordes néanmoins tous les jours dans les urgences défilaient des gens de tous horizons et de nombreuses nationalités. Le fait que ces jeunes soient capables de s'exprimer en anglais même avec un fort accent, c'était une bénédiction. « Attends on va... bouger. »

Sans y réfléchir la canadienne adopte une version simplifiée de sa langue natale, utilisant des mots simples et courts, dans une attitude presque militaire et impérative. Avec l'aide d'Aline elle enlace Esfir par la taille et soulève précautionneusement sa jambe blessée de sorte à la plier le moins possible. Ils avaient maintenant gagné un peu de place sous le poster de Che Guevara, ce qui était tout juste assez pour une personne allongée. Heureusement le dénommé Filip était de petite stature, ce qui leur faciliterait grandement la tâche. Se poussant sur le côté pour que Isodora le repose sur le lit de fortune, Erynn se pince l'arrête du nez d'un air las puis expire lentement par la bouche comme on prend de l'élan avant un grand saut.

Agenouillée par terre, elle sent la peau meurtrie de ses jambes lui piquer horriblement et les frotte rapidement avant de redonner son entière attention au blessé. Son visage et la plupart de son corps semblaient tuméfiés, roués de coups, constellés d'hématomes qui ne tarderaient pas à devenir de plus en plus sombres. Il faisait peine à voir. Avec délicatesse Erynn effleure tendrement sa joue et cherche à croiser son regard. Avec deux bonnes secondes de décalage, Filip fuit son regard et sa main, visiblement effrayé. Il était conscient mais ses réactions étaient incroyablement lentes, comme si son cerveau ankylosé luttait avec le sommeil.

« Tout ira bien, on va te soigner. » Elle lui murmura gentiment, comme à un enfant qui a fait un mauvais rêve.

Cela dit par la gestuelle elle incita Esfir à prendre le relais de traduction, de façon à le rassurer de sa présence familière. Il faudrait le tenir immobile lors de l'examen de sa jambe, dont l'os protubérant semblait déplacé. Une grimace attristée déforma les traits de la jeune femme en pyjama, tandis qu'elle guettait celui ou celle qui pourrait l'assister.

« Je vais avoir besoin d'aide ici, car je vais devoir rester avec lui. » Ses yeux se posent sur le visage meurtri d'Isodora qui avait fait un pas en avant d'un air volontaire. C'était une dure à cuire qui ne lâchait rien, même si elle devait aussi avoir mal. Erynn sourit avec dépit mais agita la tête d'un air résolu. « Non, toi tu ne peux pas. Pas avant d'avoir soigné tes blessures, il y a un trop grand risque de contamination. »

Isodora la dévisagea d'un air furieux, manifestement peu habituée à recevoir des ordres de qui que ce soit. Avec son tempérament et son assurance, il était probable que ce soit elle qui serve de leader à cette petite trouble hétéroclite. Néanmoins Erynn ne lâcha rien et tint tête à la sportive. Cette dernière bougonna dans sa barbe et râla en russe pendant un moment, ne s'avouant vaincue qu'après quelques mots insistants glissés par le nouvel arrivant, Jun. Cela dit son regard tendu glisse sans cesse vers Filip, avec une insistance qui laissait deviner un lien très personnel. Elle l'avait désigné comme son 'ami'... mais il était peut-être plus que ça.

« Aline, vous voulez bien désinfecter ses plaies et vérifier qu'il n'y a pas d'autres blessures ? »

Déjà que le risque de septicémie était incroyablement haut dans un milieu non stérilisé, Erynn n'accepterait pas de les mettre en danger plus que nécessaire. Comme recourir à une clinique n'était pas une option étant données les circonstances, il faudrait faire avec les moyens du bord... mais pas sans un minimum de précautions. Sentant le poids de tous ces regards, notamment celui plus lourd de reproche d'Isodora, elle souffle un bon coup et entreprend d'examiner le corps de Filip. Ce dernier murmure bien quelque chose qu'elle ne comprend pas. Esfir lui caresse timidement les cheveux et lui parle tout bas pour le calmer.
Ça allait être un sacré défi que de le traiter avec le bric à brac de trousses de secours. Fouinant fébrilement, elle leva enfin le museau une fois qu'un autre jeune homme s'adressa à elle en japonais. Son cerveau mit bien plusieurs secondes à traiter l'information et rassembler ses connaissances dans la langue. Acquiesçant une fois puis une autre en confirmation, Erynn répondit avec un léger accent. Ça irait parfaitement tant qu'on ne lui demandait pas d'écrire, les kanjis n'étant vraiment pas son fort.

« On pourra toujours aller à l'hôpital si ça devient trop grave, je peux le présenter comme un ami étranger et personne n'en saura rien. Je peux payer pour lui. » Elle lui assura clairement, mais prit en considération la confusion de celui qui était son bras droit tout désigné. « C'est un dernier recours, je sais que c'est dangereux. On va faire ce qu'on peut avec ce qu'on a et ne t'en fais pas, je te dirai quoi faire. Si tu fais comme à l'école, tout ira bien. Et tu devras traduire pour moi, je vais en avoir besoin. »

Ce n'était pas évident de rassembler son courage pour prendre les devants dans une situation pareille. En vérité Erynn était aussi paumée que tous les autres, sortie de son élément et tombant de fatigue. Cependant personne d'autre n'était en position de prendre sa place, ce qui ne lui laissait pas vraiment le choix. Il fallait espérer que chacun se trouve un rôle, et que les divers engrenages de cette machine maladroitement rafistolée tiennent le coup, au moins le temps que le pire soit derrière eux.

« Il faut de la glace ou un surgelé, plus deux bassines d'eau claire pour Filip et votre amie. Tu peux demander à Sasha de s'en occuper ? Je vais avoir besoin de toi pour déchiffrer les étiquettes. » Erynn fouine à nouveau dans le sac de père Noël, mettant des compresses et quelques autres bricoles de côté. « Il y a plusieurs boites de médicaments mais je ne sais pas lire le russe. Est-ce qu'il y a des anti-douleurs dans le tas ? Les plus forts iront à Filip. S'il y a un truc plus commun comme de l'aspirine, cela peut soulager Esfir. »

Éventuellement un cachet pour sa migraine ne serait pas de trop, en cas d'heureux surplus. La journée allait être très longue, surtout pour quelqu'un qui venait d'involontairement signer pour une tournée de service supplémentaire. Dire qu'en ce moment elle était censée être en train de dormir profondément au fond de son lit, ses chats enroulés à ses pieds...

« Voilà les anti-inflammatoires, et ça, c'est l'équivalent de l'aspirine. Une sous marque, pas très bonne. » Jun reprenait doucement ses marques, même si sa  voix en tremblait encore un peu.
« D'accord, c'est pas très fort tout ça. Que quelqu'un en dilue dans une tasse de thé, ce sera plus simple à prendre. Il faudra le faire boire régulièrement pendant les prochaines heures, quoi qu'il arrive il doit rester hydraté. S'il doit aller aux toilettes... on demandera à... » Elle regarda au loin, ne connaissant pas tous les prénoms.
« Isadora. »
« Isadora de nous aider à l'y porter. »

Ses prunelles voyageaient sur les bleus, preuves des nombreux coups qu'elle ne pourrait malheureusement pas soigner directement. Il faudrait du temps et du repos... allié à la prise de médicaments. Pour la fracture par contre, c'était une autre paire de manches. Empoignant une paire de ciseaux, Erynn découpa le jean de Filip jusqu'au genou de façon à pouvoir travailler correctement. C'était moche, mais plus moche que grave, heureusement.

« Je vais devoir remettre son péroné en place, immobiliser sa jambe et l'emplâtrer. »

Tout ça c'était bien beau en théorie, mais elle n'avait pas la moindre idée de comment faire un plâtre sans le moindre matériel. D'ailleurs elle ne savait pas faire de plâtre tout court, c'était une procédure bien trop distante de sa spécialité. Se flottant les yeux d'un air las, elle se désinfecte les mains et fait de même avec les compresses pour nettoyer la fracture ouverte. Heureusement le jean n'était pas entré en contact avec la chair, même s'il était imbibé de sang. Comme le patient avait été porté, au moins ça ne s'était pas aggravé davantage. Une fois plâtré ça devrait aller, par contre y parvenir serait un problème sans antibiotiques adaptés à portée de main.

« Si je passe une ordonnance complète avec mon identification, est-ce que vous saurez vous débrouiller pour chercher ce qu'il faut en pharmacie ? Si vous en connaissez une moins regardante, ce serait plus simple. On peut peut-être couvrir les coûts, si on s'y prend correctement. »

Elle avait basculé en anglais, cette fois. Du regard elle cherche Aline et son patronage salvateur, qui avaient déjà sauvé la mise une première fois. Inutile de bêtement la mettre en mauvaise posture : sans la citer directement Erynn avait laissé laissé sa proposition en suspens, pas sûre que la grand-mère puisse ou veuille faire quelque chose. Néanmoins le regard interrogateur qu'elle glissa en sa direction était on ne peut plus éloquent. Elle ne pourrait pas tout faire toute seule.
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